Voyage Evasion Découverte
By Steph
CARNET DE VOYAGE
DESTINATIONS DE VOYAGES
CONSEILS PRATIQUES
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Île de Spitzberg - Longyearbyen - Krossfjord - Fjortende Julibreen - Ny-Ålesund - Woodfjord
Péninsule de Balberget - Détroit d’Hinlopen - Kapp Fanshawe - Île de Nordaustlandet - Baie d’Augustabukta
La banquise - Ours Polaire - Île d’Edgeøya - Kapp Lee - Hornsund - Glacier Hornbreen - Fjord Bellsund
Royaume des glaces et des ours polaires…
Depuis des siècles, le Svalbard est l'objectif d'explorateurs, d'aventuriers et de voyageurs partis à la découverte de l'Arctique, fascinés par l'une des terres les plus septentrionales du monde, peuplée d'ours blancs, de morses… et de quelques hommes.
Ces paysages polaires comptent parmi les plus froids, les plus sauvages et les plus spectaculaires de l’hémisphère Nord. Ici, l'hiver, la nuit polaire dure près de six mois ; et l'été, le soleil de minuit brille sans interruption, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L'archipel est composé d'une trentaine d'îles.
Au XIIᵉ siècle, lorsque les Vikings aperçoivent ces terres polaires, ils les nomment dans leur langue, le vieil islandais, « Svalbard », ce qui signifie les côtes froides. Des centaines d'années plus tard, vers la fin du XVIᵉ siècle, le navigateur hollandais Willem Barents découvre cette île et la baptise « Spitsbergen », la montagne pointue.
Pendant longtemps, on utilisera le nom Spitzberg pour désigner l'ensemble de ces îles qui n'appartenaient à personne. En 1925, lorsque l'archipel est placé sous la souveraineté de la Norvège à la suite de la ratification du traité du Svalbard (signé en 1920), le gouvernement norvégien réintroduit alors l'ancien nom viking Svalbard, qui désigne depuis officiellement l'ensemble de l'archipel.
Lors de ma croisière au Groenland, en 2012, à bord d’un vieux voilier, j'ai entendu parler de l’archipel du Svalbard par certains passagers. À en croire leurs récits, c'était une destination exceptionnelle : ils y avaient admiré des paysages grandioses et observé de nombreux animaux vivant dans ces contrées sauvages du Grand Nord. Leurs témoignages m'ont donné envie, à mon tour, de partir découvrir ces terres polaires.
Deux ans après mon voyage au Groenland, au début de l’année 2014, j'ai repris contact avec la même agence afin de voir ce qu'elle pouvait me proposer comme croisière. Mon souhait était clair : naviguer au cœur de la banquise, observer un maximum d'animaux et, surtout, avoir la chance d'apercevoir des ours blancs.
C'est à la fin du mois de juillet 2014 que nous sommes finalement partis, à deux, pour une croisière de dix jours à bord d’un bateau d'expédition. Nous avions
choisi ce type d'embarcation, de taille modeste, car nous ne voulions pas voyager sur un grand paquebot transportant plusieurs centaines de passagers.
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Préparation de sa valise pour des randonnées au Spitzberg
Ce n’est pas toujours facile de faire sa valise lorsque l’on part quelque part. Mais pour le Spitzberg c’est encore plus compliqué. Ce n’est pas une destination classique et sur place pas question de faire des emplettes pour acheter ce que vous avez oublié.
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Notre voyage débuta à Oslo, capitale de la Norvège, où nous avons profité de trois jours pour visiter cette très jolie ville.
Puis, nous avons pris l'avion en direction de Longyearbyen, la capitale administrative de l'archipel du Spitzberg. Nous sommes arrivés en fin de matinée à l'aéroport du Svalbard et avons rejoint notre hôtel pour y déposer nos bagages.
L’île de Spitzberg
Au sein de l'archipel norvégien du Svalbard, l'île de Spitzberg est la plus vaste. Située dans l'océan Arctique, à environ 1 000 kilomètres du pôle Nord, elle est recouverte à près de 60 % de glace. C'est le royaume des ours blancs, car ici, il y a plus d'ours polaires que d'habitants…
Entourée par la mer du Groenland, la mer de Barents et l'océan Arctique, Spitzberg est la seule île habitée de l'archipel, avec l'île aux Ours (Bjørnøya). D'une superficie de 39 044 km², elle s'étend sur environ 280 kilomètres du nord au sud et de 40 à 225 kilomètres d'est en ouest.
Longyearbyen
Cette ville du bout du monde tire son nom de John Munro Longyear (1850-1922), un homme d'affaires américain qui fonda la cité en 1906 pour y exploiter le charbon.
Les Norvégiens rachetèrent la ville et ses mines en 1926. Depuis, c'est la Store Norske Spitsbergen Kulkompani (SNSK) qui exploite les gisements.
Fondée sous le nom de Longyear City, elle devint Longyearbyen en 1926.
En norvégien, by signifie ville et -en est l'article défini : byen veut donc dire la ville.
Longyearbyen fut longtemps une cité essentiellement masculine, peuplée majoritairement de mineurs. Au fil des décennies, cette tendance a évolué : la proportion de femmes et d'enfants y a augmenté, même si la population reste plus jeune et active que sur le continent.
La ville fut construite face à la toute première colonie du Spitzberg, Advent City, aujourd'hui abandonnée.
La Réserve mondiale de semences
Située dans une ancienne mine, non loin de l'aéroport, le Svalbard Global Seed Vault — inauguré le 26 février 2008 — est une réserve mondiale de semences.
Les autorités y ont enfoui plusieurs millions de graines d’espèces végétales afin de les préserver en cas de catastrophe naturelle, géologique ou nucléaire.
La conquête du pôle Nord
Durant la grande course à la conquête du pôle Nord, de nombreux explorateurs passèrent par Longyearbyen avant de poursuivre leur route vers l'inconnu. Parmi eux : Roald Amundsen, Umberto Nobile ou encore Albert Ier de Monaco, qui joua un rôle important dans l'exploration et la cartographie de l'archipel.
Après le déjeuner, nous sommes partis explorer les alentours à pied — avec prudence. Nous ne voulions pas devenir, à notre tour, le déjeuner d'un ours affamé !
À la sortie de la ville, des panneaux signalétiques rappellent le danger permanent : ici, les ours polaires font partie du paysage.
Les maisons, quant à elles, sont peintes dans des couleurs vives, apportant une touche de gaieté à cette cité minière, la plus septentrionale du monde.
Un lieu chargé d’histoire
Il existe, à flanc de colline, un vieux cimetière réservé aux vingt-neuf mineurs morts lors de l'explosion de la mine n°1, en février 1920. Ce petit cimetière, posé juste en dessous de la mine, rappelle les dangers du passé minier de Longyearbyen.
Aujourd'hui, la plupart des mines ont cessé leur activité. Seule la mine n°7 est encore en exploitation — pour une vingtaine d'années tout au plus.
Dur, dur de vivre ici…
Le savez-vous ? Les lois et les usages locaux du Svalbard peuvent parfois surprendre !
limité de résidents.
Cette dernière règle peut sembler absurde, mais elle s'explique par des raisons bien réelles. Les températures polaires empêchent la décomposition des corps. En 1998, des scientifiques exhumèrent des victimes de la grippe espagnole décédées en 1919 : ils y découvrirent encore des traces actives du virus !
Depuis, toute inhumation sur place est proscrite afin d'éviter tout risque sanitaire.
Ainsi, il n'existe ni maison de retraite ni service de gériatrie à Longyearbyen. On y trouve bien un petit hôpital, capable de soigner les blessures ou les urgences, mais les cas plus graves sont transférés à Oslo, à près de
2 000 km de là.
Les personnes âgées sont envoyées en maison de retraite sur le continent, et les femmes enceintes doivent quitter l'archipel plusieurs semaines avant leur accouchement. Elles ne reviennent qu'après la naissance, une fois leur bébé
en parfaite santé.
Les rares habitants souhaitant reposer ici doivent être incinérés à Oslo avant que leurs cendres ne soient rapatriées.
Enfin, la vie au Svalbard étant rude, quiconque perd son emploi doit quitter la ville : la survie dans ces conditions extrêmes exige que chaque habitant puisse subvenir à ses propres besoins.
Nous avions réservé une nuit à l’hôtel Radisson Blu Polar.
Très bel hôtel, très bien placé, très confortable avec un service parfait.
Le restaurant de l’hôtel est excellent et le petit déjeuner est copieux.
Nous avons testé deux restaurants pour le déjeuner. Un, le premier jour de notre périple et l’autre le dernier jour avant de reprendre l’avion pour la France.
Le premier a été le restaurant Fruene AS Kaffe Og Vinbar.
Il se trouve sur la rue principale dans le complexe Lompensentret. C’est un restaurant, café, bar, sandwicherie, pâtisserie et chocolaterie. Sur place ou à emporter, tout est très bon. Les sandwiches sont fait devant vous. Les prix sont raisonnables.
Ouvert de 10h à 18h sauf le dimanche
À notre retour de croisière pour notre dernière journée au Spitzberg nous sommes allés au
Rabalder Cafe & Bakery. Il se trouve aussi dans la rue principale.
C’est un café restaurant très sympa, clair avec de grandes baies vitrées. On vous propose de belles salades, d’excellentes soupes, des sandwiches frais et un plat du jour.
Les prix sont raisonnables. Ouvert tous les jours
Le lendemain nous nous sommes dirigés vers le port pour découvrir notre bateau.
Embarquement à bord de l’Ortelius
L’Ortelius — Welcome on board
L'Ortelius est un brise-glace de classification maximale 1A, conçu pour l'exploration des régions polaires. Il peut accueillir jusqu'à une centaine de passagers.
Avant de devenir un navire d'expédition touristique, ce bateau — construit en 1989 par les chantiers navals de Gdansk, en Pologne — servait de navire de recherche pour l’Académie des Sciences de Russie. Il a été entièrement transformé en 2011 pour accueillir des croisières d'exploration.
À bord, 34 membres d'équipage et 15 employés assurent le bon fonctionnement du navire et le confort des passagers. Un chef d'expédition et cinq guides spécialistes du monde polaire partagent leurs connaissances lors des sorties et des conférences organisées à bord. Et bien sûr, un médecin veille sur la santé de tous pendant le voyage.
C'est un beau « petit » navire de 91,25 mètres de long pour 17,60 mètres de large, avec un tirant d'eau de
5,8 mètres. Sa classification 1A lui permet de briser une glace de jusqu'à 80 centimètres d'épaisseur.
Notre cabine, d'environ 15 m², était très confortable. Nous l'avions choisie avec des fenêtres donnant sur la mer, située à l'arrière du bateau, au pont n°4. De vrais pachas !
Nous voilà partis, en milieu d'après-midi, à bord de l'Ortelius, pour huit jours de croisière au cœur du royaume des glaces et des ours polaires.
À notre réveil, le bateau était ancré dans la baie de La Croix, dans le Krossfjord. Le spectacle qui s'offrait à nous était d'une beauté à couper le souffle, un décor grandiose qui nous a immédiatement fascinés.
Nous étions entrés dans le territoire des glaciers. Les nombreuses îles et les côtes escarpées dessinaient des frontières naturelles portant les noms de rois et de princes : Albert Ier de Monaco, Haakon VII, Oscar II et Olav V.
Ici commençait le monde des glaciers souverains, étendant leur majesté et leur suprématie sur tout le Parc national du Nord-Ouest.
Le voyage commençait bien… 🌊❄️
Krossfjord — La baie de la Croix
Long de 30 kilomètres et large d'environ 5 kilomètres, le Krossfjord partage son embouchure avec le Kongsfjord. Le relief y est majoritairement montagneux et escarpé, à l'exception de la partie occidentale, plus plate, où se trouvent les seuls lacs de la région.
Le fjord doit son nom à la croix érigée à son entrée par le baleinier anglais Jonas Poole, en 1610.
Depuis l'intérieur des terres, une série de glaciers dévalent vers la côte du Krossfjord, la plupart présentant un front de vêlage particulièrement actif. Parmi eux, l'un des plus impressionnants est le Fjortende Julibreen.
Fjortende Julibreen — Le glacier du 14 Juillet
Ce glacier, long d'environ 16 kilomètres et couvrant une superficie d'environ 127 km², se situe dans la région du Haakon VII Land. Connu sous le nom de glacier du 14 Juillet, il culmine à plus de 30 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Comme tous les grands glaciers du Svalbard, il vêle d'énormes blocs de glace : ses icebergs et fragments flottants deviennent autant d'abris pour une multitude d'oiseaux marins. Les mouettes tridactyles (kittiwakes) y sont particulièrement nombreuses, leurs cris accompagnant sans relâche le grondement du glacier.
Les glaciers du Kongsfjord
En quittant le Krossfjord, nous avons pu admirer, au loin, les deux majestueux glaciers qui bordent le Kongsfjord, le fjord du Roi : le Kongsvegen et le Kronebreen, partageant un front glaciaire commun.
Leur blancheur éclatante contraste puissamment avec la noirceur minérale des montagnes environnantes — un spectacle d'une beauté saisissante, à la fois fragile et grandiose.
Nous avons ensuite mis le cap sur la localité de Ny-Ålesund, située à l'entrée du Kongsfjord.
Ny-Ålesund — La localité la plus au nord du monde
Ny-Ålesund est l'une des quatre agglomérations habitées de l'archipel du Svalbard, et la localité la plus septentrionale du monde. Elle se situe sur la péninsule de Brøgger, sur la rive sud du Kongsfjorden.
Sa population saisonnière varie entre 30 et 150 habitants, composés en majorité de chercheurs et de techniciens scientifiques venus du monde entier.
Fondée en 1916 par la société minière Kings Bay Kull Compani AS, Ny-Ålesund doit son nom à l'entreprise, dont le siège social se trouvait à Ålesund, sur le continent norvégien.
L'exploitation minière cessa en 1962, après une terrible explosion dans la mine qui coûta la vie à 21 mineurs.
Dix corps furent retrouvés, tandis que les onze autres reposent encore au fond de la mine.
Ny-Ålesund est également un haut lieu de l'exploration arctique : plusieurs grandes expéditions sont parties d'ici, notamment celles de Roald Amundsen, Lincoln Ellsworth et Umberto Nobile en 1926, lors du survol du pôle Nord en dirigeable.
En 1966, un centre international de recherche sur l'Arctique et de surveillance de l'environnement y fut établi.
Malgré sa petite taille, la localité dispose de son propre aéroport, de ports, d'un musée d'histoire — où sont exposés des objets provenant d'épaves ainsi qu'un millier de photos et de films, mais aussi du bureau de poste le plus septentrional de la planète, d'un café local et d'une boutique de souvenirs.
Fait surprenant : ici, aucun Wifi, Bluetooth ou appareil sans fil n’est autorisé, afin d'éviter toute interférence avec les instruments scientifiques utilisés sur place.
Terre d’ours et de prudence
En nous promenant autour de la localité, nous avons retrouvé les désormais familiers panneaux d'avertissement :
STOP – DANGER OURS POLAIRE – Ne pas dépasser ce panneau sans être armé.
Rassurant, n'est-ce pas ? D'autant plus pour moi qui n'avais pour seule arme que mon appareil photo… et mes jambes pour courir !
Mais la menace est bien réelle : chaque année, des accidents surviennent, parfois tragiques, lors de rencontres avec ces puissants habitants du Grand Nord.
Dès notre première journée à bord, une réunion d'information fut organisée avec les guides et l'ensemble des passagers pour nous expliquer les règles de sécurité à suivre afin d'éviter toute confrontation avec un ours polaire.
“C’est nous qui sommes les invités sur le territoire de l’ours.
C’est donc à nous d’adapter nos comportements et nos habitudes pour le déranger le moins possible.”
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, voici les comportements à adopter en cas de rencontre :
À chaque sortie, nous étions répartis en groupes d'une vingtaine de personnes, accompagnés d'un guide armé, équipé de jumelles et d'un talkie-walkie.
Vie à bord
De retour sur le bateau, après nous être changés, nous avons rejoint la salle de conférence pour assister à une présentation sur la faune et la flore du Spitzberg.
Chaque soir, une conférence thématique était proposée, souvent accompagnée de films documentaires illustrant la vie dans ces terres inhospitalières.
Les passagers, venus d'horizons très variés — plus d'une dizaine de nationalités étaient représentées —, donnaient au voyage une ambiance cosmopolite et chaleureuse.
L'équipage, tout comme les conférenciers, s'exprimait en anglais, langue commune de bord.
À notre réveil, le bateau se trouvait à l'entrée du Woodfjorden, le fjord des Bois.
Woodfjorden — Le fjord des Bois
Situé sur la côte nord de l'île principale, le Woodfjorden est le quatrième plus long fjord de l'archipel du Svalbard. Son embouchure fait face au nord, juste à côté du Wijdefjord, et il s'enfonce sur près de 64 kilomètres à l’intérieur des terres.
Le Woodfjorden était déjà connu des baleiniers du XVIIᵉ siècle — seules quelques tombes, visibles sur la partie est de Reinsdyrflya, témoignent encore de leur passage.
Bien avant eux, entre les XIIᵉ et XIVᵉ siècles, les Pomores, chasseurs russes du Nord, fréquentaient également la région, mais il ne subsiste aucun vestige de leur présence.
La péninsule de Balberget
Nous avons débarqué pour une randonnée sur la péninsule de Balberget, une vaste langue de terre séparant le Woodfjorden du Wijdefjorden, dans la région appelée Terre d'Andrée.
Au XIXᵉ siècle, ce territoire servait de terrain de chasse pour les trappeurs norvégiens. On y trouve encore l'une des plus grandes et des plus belles huttes en bois du Spitzberg, construite par un trappeur norvégien en 1987.
Cette hutte appartient aujourd'hui à l'administration norvégienne, mais elle pouvait encore être utilisée sur demande jusqu'en 2009.
Ce paysage, à la fois imposant par sa solitude et envoûtant par son austérité, nous a profondément marqués.
Ici, la nature paraît si vierge que nous hésitions presque à la fouler de nos pas.
Et pourtant, au milieu de cette immensité sans le moindre arbre, on trouve en abondance du bois flotté venu de Sibérie, échoué sur les plages après un long voyage porté par les courants arctiques.
En fin d'après-midi, nous avons repris la mer, cap sur le Kapp Fanshawe.
Sur une mer d'huile commençaient à dériver les premiers morceaux de banquise, prémices d'un nouveau décor glacial…
Détroit d’Hinlopen
Le détroit d'Hinlopen est un couloir marin large de 10 à 60 kilomètres et long d'environ 150 kilomètres, séparant l'île principale du Spitzberg de celle de Nordaustlandet, la deuxième plus grande île de l'archipel du Svalbard.
Ici, le paysage change radicalement.
Finies les montagnes acérées et les vallées glaciaires de l'Ouest : ce vaste canal polaire s'étend entre d'immenses plateaux recouverts de calottes glaciaires massives, où tout semble figé dans le temps.
Le détroit tire son nom du Néerlandais Thijmen Jacobsz Hinlopen, marchand, chasseur de baleines et négociant en fourrures, figure emblématique de l'ère des grandes explorations arctiques.
Kapp Fanshawe
Situé dans le détroit d’Hinlopen, sur la côte du Spitzberg, le Kapp Fanshawe est une falaise monumentale longue de plusieurs kilomètres, semblable à une immense cathédrale de basalte.
Ses parois sombres s'élèvent à plus de 200 mètres au-dessus de la mer. Impressionnante de beauté et d'austérité, elle abrite des dizaines de milliers s'oiseaux marins, principalement des guillemots, excellents nageurs nichant en colonies denses sur les corniches rocheuses.
En milieu de matinée, nous embarquons pour une virée en zodiac, dans une mer un peu agitée, afin de nous approcher au plus près de cette forteresse naturelle.
À mesure que nous approchons des falaises, le spectacle devient saisissant.
Littéralement assiégée par le vent, les vagues, le froid et la glace, la falaise a été sculptée patiemment depuis des millénaires en colonnes, clochers et aiguilles.
Une citadelle minérale gardée par d’imposants glaciers : un décor d’une puissance brute qui impose le respect.
La plupart des oiseaux venus se reproduire ici en été appartiennent à la famille des pingouins, essentiellement les guillemots de Brünnich, mais on y observe aussi des guillemots à miroir, quelques mouettes tridactyles, et un prédateur redouté de tous : le grand goéland bourgmestre.
Nous avons même eu la chance d'apercevoir un renard polaire, occupé à savourer sa proie.
Au milieu de ce tumulte d'ailes et de cris, nous étions littéralement bombardés de fientes par cette nuée d'oiseaux virevoltant au-dessus de nos têtes — un baptême arctique dont nous nous souviendrons longtemps ! 😂
L’île de Nordaustlandet — Terre du Nord-Est
Après notre inoubliable rencontre ailée, nous avons mis le cap vers Nordaustlandet, la Terre du Nord-Est.
C'est la deuxième plus grande île de l'archipel, séparée du Spitzberg par le détroit d'Hinlopen.
Elle est presque entièrement recouverte de glaciers, dont l'Austfonna, la plus vaste calotte glaciaire d'Europe, qui s'étend sur 8 492 km². À l'ouest se trouve une autre calotte, plus modeste mais tout aussi majestueuse : la Vestfonna, d'environ 2 500 km².
L'île, d'une superficie totale de 14 443 km², fait partie intégrante de la réserve naturelle de Nordaust-Svalbard.
Aucune population n'y réside : c'est un royaume de glace et de silence, livré à la nature et aux vents polaires.
Baie d’Augustabukta
Notre prochaine escale fut la baie d'Augustabukta, située sur la côte sud-ouest de Nordaustlandet.
Elle doit son nom à Marie Louise Augusta Catharine, princesse de Saxe-Weimar-Eisenach (1811–1890).
La première mention de l'îlot remonte à 1617, lorsque des chasseurs de morses anglais l'aperçurent.
Au fil des siècles, il fut lentement exploré et cartographié par des marins néerlandais, témoignant de ll'intérêt que suscitait déjà cette région isolée.
Le spectacle est grandiose : la baie dévoile une nature brute et immaculée, façonnée par le vent et la glace.
De vastes plages plates et arides s'étendent à perte de vue, couvertes de graviers beiges où reposent parfois de vieux os de baleine et des fragments de bois flotté venus de Sibérie.
À l'arrière-plan, de larges plateaux vallonnés se perdent sous une épaisse calotte glaciaire, conférant au paysage une majesté silencieuse et presque irréelle.
Les seigneurs d'Augustabukta : les morses
Classée réserve naturelle, cette île offre l'une des rares opportunités d'observer les morses de près.
Ces impressionnants mammifères, cousins des phoques et des otaries, ne vivent que dans l'hémisphère Nord.
Les mâles atteignent 3 à 3,5 mètres de long pour un poids de 1 200 à 1 500 kilos, tandis que les femelles mesurent environ 2,5 mètres pour 900 kilos.
Pendant plus de trois siècles, ces géants des mers furent impitoyablement chassés pour leur graisse et, surtout, pour l’ivoire de leurs défenses.
Les ossements blanchis qui jonchent encore certaines plages de la côte ouest et nord de l'île rappellent les massacres d'autrefois.
Heureusement, depuis 1952, les morses bénéficient d’une protection intégrale.
On en dénombre aujourd’hui environ 4 000 individus autour de la baie d'Augustabukta, où ils se prélassent paresseusement sur les bancs de sable ou les blocs de glace dérivants, dans une paix retrouvée.
Le lendemain, l'équipage de ll'Ortelius nous annonce que le capitaine a décidé de remonter la côte est de l'archipel jusqu'à la petite île de Storøya, afin d'aller au plus près de la banquise.
Notre rêve allait enfin se réaliser : nous allions voir, de nos propres yeux, cette grande étendue blanche de glace flottante — symbole ultime du Grand Nord.
La banquise
La banquise, comme chacun le sait, est la couche de glace qui se forme à la surface de la mer par solidification des premières couches d'eau.
Mais depuis les années 1980, elle perd environ 8 % de sa superficie totale par décennie — et depuis 2010, son déclin s'accélère dramatiquement.
Comment se forme-t-elle ?
À la fin de l'été, le froid polaire s'installe, parfois brutalement, faisant chuter les températures jusqu’à −40 °C.
La surface de ll'océan se refroidit, mais, sous ll'effet des vagues et des courants, la glace ne se forme pas d'un seul coup.
Lorsque l’eau atteint −1,86 °C, les premières paillettes de glace cristallisent : c’est le frasil, une multitude de petits cristaux qui augmentent la viscosité de l’eau.
Poussés par le vent et les courants, ces cristaux s’assemblent en une couche d’aspect huileux et mat appelée mélasse.
Si la mer reste calme, la mélasse s’épaissit pour former une croûte souple : le nilas, qui, en durcissant, devient la banquise.
Lorsque la mer reprend son mouvement, la banquise se fracture, se chevauche, se brise en grandes plaques, puis en fragments plus petits.
Cette banquise morcelée forme alors ce qu'on appelle le pack.
Ces plaques dérivantes servent souvent de refuge aux mammifères marins — morses, phoques ou otaries — qui viennent s'y reposer et s'y réchauffer.
La partie la plus ancienne de la banquise peut persister de deux à quatre ans, voire davantage, atteignant alors une épaisseur de quatre à cinq mètres.
Poussée par les courants, elle entame une lente traversée de l'océan Glacial Arctique : c’est la dérive arctique.
Au-delà du 80ᵉ parallèle Nord
Le lendemain matin, nous avions franchi le 80ᵉ parallèle Nord et atteignions les environs de l'île de Storøya.
Le bateau avait ralenti.
Autour de nous, les premiers morceaux de banquise dérivante s'entrechoquaient dans un léger vacarme, venant s'écraser contre la coque au fur et à mesure de notre progression.
Peu à peu, le navire ralentissait encore.
Nous avancions prudemment dans une mer désormais couverte de plaques de glace, de plus en plus larges et denses.
Le brise-glace poussait, se hissait, éclatait les floes par à-coups, dans un vacarme sourd.
Par moments, on sentait qu'il peinait à progresser : son élan se brisait net contre la masse glacée, avant qu'il ne reparte d'un grondement, comme animé d'une volonté propre.
Les deux moteurs vrombissaient à plein régime, tandis que les énormes plaques de glace cédaient sous la poussée du navire, s'enfonçant partiellement sous la coque avant de resurgir dans un fracas d'écume et de glace pilée.
C'était un véritable combat de titans : le fer contre la glace, l'homme contre la nature — un duel fascinant où, finalement, seule la banquise semblait dicter le rythme.
Le spectacle était saisissant. 🤩
Autour de nous, le paysage semblait tout droit sorti d'un rêve polaire.
Le blanc immaculé de la banquise s'étendait à perte de vue, se mêlant au bleu pâle du ciel parsemé de nuages effilés, tandis que le noir profond de l'océan Arctique tranchait avec force sous cette lumière cristalline.
Une véritable carte postale vivante, d'une beauté terrifiante et fragile à la fois, où chaque élément semblait témoigner de la puissance et de la pureté du monde polaire.
Nous nous sentions infiniment petits, suspendus dans ce décor à la fois sublime et redoutable.
L’ours polaire
Soudain, vers 18h, la voix du capitaine retentit dans les haut-parleurs :
« Ours polaire à bâbord ! »
En un instant, tout le monde se précipite sur le pont pour tenter d'apercevoir le plus grand mammifère terrestre de la planète.
Au loin, nous distinguons une silhouette blanche avançant lentement dans notre direction.
Le bateau s'immobilise, et bientôt, nous pouvons enfin admirer cette formidable créature de près de 700 kilos.
D'un pas chaloupé et puissant, l'animal s'approche du navire. Il a sans doute capté notre odeur depuis plusieurs minutes déjà.
Il s'arrête au pied de la coque, nous observe, intrigué, se demandant peut-être comment grimper à bord pour venir nous saluer.
Majestueux, imposant et pourtant si gracieux, il incarne à lui seul toute la force et la fragilité du monde arctique.
Nous restons là, fascinés, à contempler cet emblème vivant du Grand Nord, conscients du privilège de le voir évoluer libre dans son territoire.
Au petit matin, le ciel est d'un bleu limpide.
Le soleil illumine la banquise, qui scintille comme une mer de diamants à perte de vue.
Chaque cristal de glace renvoie la lumière avec une intensité presque aveuglante.
Le spectacle est grandiose, d'une beauté pure et silencieuse qui donne le vertige.
Vers 10h, la voix du capitaine résonne de nouveau dans les haut-parleurs :
« Ours à bâbord ! Ours à bâbord ! »
La chance était décidément de notre côté.
Un deuxième ours polaire venait nous rendre visite !
Trouver deux ours en deux jours, en plein cœur de la banquise, relevait du miracle — ou du talent du capitaine, visiblement très inspiré.
Tout le monde riait, ému et émerveillé.
Bien sûr, personne n'a osé descendre : l'envie de lui faire des câlins était grande, mais la raison l'a emporté !
Car, ne l'oublions pas, l'ours polaire reste le plus grand carnivore terrestre.
Un mâle adulte peut dépasser 700 kilos et repérer une proie ou une carcasse à plusieurs kilomètres, grâce à un odorat exceptionnel.
Sa proie favorite est le phoque, qu'il chasse sur la banquise.
Mais lorsque celle-ci se réduit en été, il se rabat sur des proies plus modestes — renards, oiseaux, voire, près des zones habitées, quelques détritus humains.
Au sommet de la chaîne alimentaire arctique, il est parfois classé parmi les mammifères marins, tant sa vie dépend de la mer et de la glace.
Sans prédateur naturel, il règne en maître absolu sur le désert blanc de l'Arctique.
Excellent nageur, il peut plonger et rester en apnée plusieurs minutes pour attraper un poisson ou un phoque curieux.
Son succès de chasse au printemps et au début de l'été est vital : il conditionne sa survie, sa reproduction et l’allaitement de ses petits.
Mais le réchauffement climatique et la disparition progressive de la banquise réduisent chaque année un peu plus son territoire de chasse — et avec lui, ses chances de survie.
Un incident en mer
Vers 16h, le bateau s’immobilise brusquement.
L'annonce tombe : l'un des deux moteurs est en panne.
Notre capitaine, sans doute trop désireux de nous faire plaisir, s'était aventuré un peu trop loin sur la banquise, là où l'épaisseur de la glace dépassait les limites autorisées pour notre catégorie de brise-glace.
Heureusement, il nous restait un second moteur.
Nous avons fait demi-tour, empruntant la voie déjà ouverte par le navire, qui refermait lentement ses cicatrices de glace derrière nous.
L'incident, sans gravité, ajoutait simplement une touche d'aventure supplémentaire à notre périple.
Et la croisière pouvait continuer !
Nous avons mis le cap vers l'île d'Edgeøya, située au sud-est de l'archipel du Svalbard.
En naviguant dans les eaux froides de la mer de Barents, nous avons aperçu un phoque barbu nageant paisiblement, seul, dans cette immensité glacée.
Le phoque barbu
Le phoque barbu est un animal étonnamment peu craintif, que ce soit sur la glace ou dans l’eau — bien qu’il doive toujours se méfier de son principal prédateur : l’ours polaire.
Il mesure environ 2,50 mètres de long pour un poids d’environ 350 kg, tandis que la femelle, souvent plus grande, peut atteindre 400 kg.
On le reconnaît aisément à ses longues moustaches, véritables antennes sensorielles qui lui permettent de détecter sa nourriture jusqu'à 200 mètres de profondeur.
Son régime se compose principalement de coquillages, de crevettes, de crabes et de poissons.
Curieux et placide, il semble parfois observer les bateaux avec la même fascination que nous éprouvons à son égard.
L’île d’Edgeøya – l'île du bord
Edgeøya est une île inhabitée d'une superficie de 5 074 km², dont 2 102 km² sont recouverts de glace.
C'est la troisième plus grande île de l'archipel du Svalbard et elle fait partie de la réserve naturelle du Sud-Est du Svalbard, créée en 1973.
L'île doit son nom à Thomas Edge, un marchand anglais ayant travaillé pour la Compagnie de Moscovie au début du XVIIᵉ siècle.
Aucune colonie n'y est établie, et toute visite doit être signalée au gouverneur avant le débarquement.
Le paysage d'Edgeøya est profondément marqué par sa géologie.
Des montagnes tabulaires dominent l'horizon, leurs flancs abrupts sculptés par les glaciers.
Les anciens lits glaciaires ont laissé place à de vastes plaines fertiles, couvertes d'une végétation étonnamment dense, où paissent environ 2 500 rennes.
Alors que les côtes ouest et nord sont désormais libres de glace, l'intérieur abrite encore plusieurs calottes glaciaires.
La côte est, plus exposée aux précipitations, reste fortement englacée.
De la calotte Edgeøykulen (1 365 km²) descendent deux glaciers : le Kong-Johans-Breen, de taille modeste, et le Stonebreen, plus imposant, dont la dernière avancée s'est achevée en 1971.
Le Deltabreen, lui, n'atteint plus la mer : ses moraines accumulées ont créé la plus grande lagune du Svalbard, le Tjuvfjord.
Edgeøya est un refuge essentiel pour la faune polaire.
On y trouve une importante population de rennes et c'est aussi un site majeur de reproduction pour les ours polaires.
La population d'ours de cette région de la mer de Barents présente même une signature génétique unique, adaptée à ce territoire extrême et isolé.
Ici, le temps semble suspendu.
Entre le silence du vent, le murmure des glaciers et le cri lointain des oiseaux, tout rappelle la puissance et la pureté de cette nature restée hors du monde.
Kapp Lee
Kapp Lee se situe à la pointe nord-ouest de l’île d'Edgeøya, à l'embouchure du détroit de Freemansund, qui
sépare les îles de Barentsøya et d'Edgeøya.
Le paysage, en grande partie non glaciaire, invite à de superbes randonnées à travers des étendues minérales balayées par le vent.
Autrefois, Kapp Lee fut un site de chasse aux morses pour les Pomores, ces trappeurs russes venus de la région d'Arkhangelsk, puis, plus tard, pour les trappeurs norvégiens aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles.
L'endroit servit également de base internationale pour la chasse à la baleine : un cimetière d’ossements et quelques vestiges d'habitations en témoignent encore, vestiges muets d'un passé de labeur et de survie dans l'extrême nord.
Marche sur la terre gelée
Lors de notre randonnée sur l'île, nous marchions sur un tapis de roches éclatées, un sol qui crépitait sous nos pas comme un feu invisible.
Ici, les conditions climatiques extrêmes façonnent tout.
Sous l'effet des variations brutales de température entre l'été et l'hiver, même les roches les plus dures se fissurent et se brisent : un phénomène appelé cryoclastie, dû à l'action répétée du gel et du dégel de l'eau dans les failles.
Arrivés sur le plateau, la vue est grandiose.
De là-haut, nous pouvions admirer toute la baie, le détroit de Freemansund, et, au loin, l'île de Barentsøya, baignée d'une lumière pâle et immobile.
Après cette belle escapade sur la terre du bout du monde, nous avons regagné notre navire pour remonter vers l'île du Spitzberg.
Rencontre avec les géants de la mer
En traversant le détroit, la mer s'est soudain animée.
Deux baleines à bosse sont apparues à quelques centaines de mètres du bateau, glissant lentement à la surface.
Facilement reconnaissables à leur corps massif et à leur dos noir arqué, elles s'élevaient puis replongeaient dans un mouvement majestueux, laissant derrière elles une gerbe d'écume argentée.
Chaque souffle, chaque mouvement semblait suspendu dans le temps.
Ces géantes, pesant en moyenne 25 tonnes, nous ont offert un instant de grâce absolue, comme un ultime cadeau du Grand Nord avant le retour vers le Spitzberg.
Le fjord d’Hornsund
Le Hornsund est un fjord situé au sud-ouest de l’île du Spitzberg, sur la mer du Groenland.
Long de 28 kilomètres et large d'environ 10 kilomètres à son embouchure, il n'est pas seulement le fjord le plus méridional du Spitzberg, mais sans doute aussi l'un des plus spectaculaires.
Au fond de la baie, huit grands glaciers descendent jusqu'à la mer, formant un des paysages glaciaires les plus impressionnants de tout l'archipel.
Avec près de 25 kilomètres de front de glace, le Hornsund est l’un des principaux lieux de vêlage d'icebergs du Svalbard.
Parmi les montagnes majestueuses qui l'entourent se dresse le Hornsundtind, culminant à 1 431 mètres, troisième plus haut sommet de l'archipel.
C'est lui que ll'on aperçoit en premier lorsque ll'on aborde le Spitzberg par le sud, comme un géant de pierre veillant sur les portes du Nord.
L'entrée du fjord
L’entrée du fjord est saisissante.
De véritables colosses de roche, patinés par le temps, se dressent de part et d'autre, tels des sphinx gardant
l'accès à un trésor caché.
Ils plongent directement dans la mer, formant un couloir minéral qui s'ouvre peu à peu sur une succession de baies glaciaires, chacune offrant un spectacle unique et grandiose.
Le jeu des couleurs est fascinant : la roche se pare de noir profond, de gris argenté, de brun chaud ou de beige clair.
Le fer contenu dans la pierre y trace des veines rougeâtres, comme des coulures d'ocre qui accentuent la puissance et la beauté du relief.
Un tableau naturel d'une richesse presque picturale, où la glace, la roche et la lumière s'unissent dans une harmonie parfaite.
Nous avons embarqué en zodiac pour rejoindre le glacier Hornbreen, en naviguant lentement à travers la baie.
Le moteur ronronnait doucement tandis que nous nous faufilions entre les petits icebergs et les fragments de glace flottant tout autour de nous.
Chaque bloc, sculpté par le vent et la mer, reflétait la lumière sous un angle différent : bleu turquoise, blanc nacré, argent scintillant.
La beauté du lieu était telle qu'un profond silence respectueux s'était installé à bord — seul le craquement lointain des glaciers et les cliquetis des appareils photos venait troubler la quiétude de cette mer d'argent.
Le glacier Hornbreen
Situé tout au fond du fjord d'Hornsund, le Hornbreen impressionne par ses dimensions : environ 15 kilomètres de long et 8 kilomètres de large.
Dans les années 1980, il faisait partie d'un vaste front glaciaire unique qui réunissait quatre glaciers —
le Sørbreen, l'Hornbreen, le Svalisbreen et le Mendelejevbreen.
Mais, sous l'effet du réchauffement climatique, ce colosse de glace s'est peu à peu morcelé.
Dans les années 2010, la fonte a provoqué la séparation complète des quatre glaciers, et en trente ans, leur front a reculé de plus de trois kilomètres.
Un spectacle saisissant, à la fois magnifique et tragique, témoin visible du changement rapide du climat arctique.
Après cette escale glacée, nous sommes remontés à bord pour mettre le cap vers le fjord de Bellsund, plus au nord, toujours sur la côte ouest du Spitzberg.
Le fjord de Bellsund — “le son de cloche”
Le Bellsund est un large fjord d'environ 20 kilomètres d’ouverture, qui se ramifie en trois bras principaux :
Chacun de ces fjords se termine par un glacier imposant : le Recherchebreen, le Nathorstbreen et le Paulabreen.
De l'entrée du Bellsund jusqu'à l'extrémité du Van Mijenfjorden, la distance totale atteint 83 kilomètres.
Le nom du fjord est la traduction de “Bell Sound”, attribué en 1610 par l'explorateur et baleinier anglais Jonas Poole, en référence à une montagne en forme de cloche, le Klokkefjellet, qui marque l'entrée sud du fjord.
Sur la côte méridionale subsistent encore les vestiges d'anciennes stations baleinières du XVIIᵉ siècle, ainsi que quelques cabanes de chasse russes et norvégiennes.
Ces traces silencieuses rappellent l'époque où ces fjords étaient fréquentés par des hommes venus défier le froid et la solitude pour tirer profit des richesses de la mer.
Notre première escale fut dans le fjord de Van Mijen, l’un des plus longs et des plus calmes de la côte ouest du Spitzberg.
Le fjord de Van Mijen
Ce fjord s'enfonce sur près de 50 kilomètres avant de se diviser en deux baies : la Braganzavågen et la Rindersbukta.
Son entrée est presque entièrement verrouillée par l'île d’Akseløya, une bande de terre longue de 8 kilomètres qui agit comme une barrière naturelle.
Grâce à elle, le fjord est protégé de la houle du grand large, et la banquise y demeure bien plus longtemps au printemps que dans les autres fjords de la région.
Cette configuration confère au Van Mijenfjord une atmosphère particulière : un calme presque irréel, une mer d'huile où le temps semble suspendu.
La baie de Vårsolbukta
La baie de Vårsolbukta, où nous avons débarqué, est en partie recouverte de larges étendues de toundra d’un vert éclatant.
La végétation y est étonnamment dense et variée, attirant de grands troupeaux de rennes du Svalbard.
Le contraste est saisissant entre ces plaines verdoyantes, les plages de galets et les montagnes nues qui les encerclent.
En randonnant dans la baie, nous avons croisé plusieurs groupes de rennes, paisibles et curieux, broutant la mousse et les herbes courtes sous un ciel d'une pureté absolue.
Leur pelage clair se fondait dans les tons pastel du paysage, comme s'ils avaient été peints pour s'y dissimuler.
Les oiseaux du fjord
Dans les éboulis des pentes rocheuses, nous avons observé des milliers de mergules nains nichant par colonies entières.
Ces petits oiseaux au vol rapide, battant des ailes à une cadence effrénée, formaient dans le ciel une chorégraphie fascinante.
Leur caquètement aigu et continu résonnait comme une musique joyeuse au-dessus du silence de la toundra.
Les mergules partaient en escadrilles serrées vers le large, cherchant leur nourriture à plusieurs kilomètres, avant de revenir à tire-d’aile nourrir leurs petits restés dans les anfractuosités des falaises.
Ce ballet aérien, incessant et vibrant, ajoutait une touche de vie et d'énergie à l'austérité minérale du Spitzberg.
Notre deuxième escale nous mena dans le fjord de Van Keulen, sur la péninsule d’Ahlstrandhalvøya, au sud-ouest du Spitzberg.
Le fjord de Van Keulen
Long de 35 kilomètres, le fjord s'enfonce profondément à l'intérieur des terres.
Il fut autrefois le théâtre d'une intense activité de chasse à la baleine : d'abord à la baleine du Groenland, dès le XVIIᵉ siècle, puis au bélouga, au début du XXᵉ.
Aujourd'hui, la nature y a repris ses droits, offrant des paysages caractéristiques du Svalbard, entre toundra rase, montagnes sombres et glaciers bleutés.
La partie sud du fjord appartient au Parc national du Sud-Spitzberg, protégé depuis 1973.
Çà et là, les vestiges du — cabanes de chasse, barques échouées, charpentes rongées par le — rappellent les hommes d'une autre époque, venus ici pour s'enrichir ou survivre.
Plus loin, on aperçoit aussi les restes de mines abandonnées, témoins des tentatives d'exploitation du fer, du charbon, de l’amiante, du zinc ou même de l'or.
Un patrimoine silencieux, englouti par le vent et le gel.
La péninsule d'Ahlstrandhalvøya
La péninsule d'Ahlstrandhalvøya, d'environ 6 km², s'avance sur la côte sud du fjord.
Nous avons débarqué sur la plage de Corégone, au sud-est de la péninsule, un lieu à la fois fascinant et troublant.
C'est ici que se trouve le plus grand cimetière de baleines blanches du Svalbard : près de 550 squelettes jonchent encore le sol, vestiges des chasses du passé.
Parmi eux subsiste une cabane de bois, construite vers 1930 par Ingvald Svendsen, un chasseur originaire de Tromsø, actif dans la région.
Il possédait alors trois embarcations toujours visibles aujourd'hui, échouées sur la plage.
Après la Seconde Guerre mondiale, cette cabane fut la seule habitation privée autorisée dans le parc national du Sud-Spitzberg, les deux autres ayant disparu depuis.
Le contraste entre la beauté des paysages et la vision poignante de ces ossements blanchis par le temps provoque une émotion étrange : un mélange de respect, de tristesse et de fascination.
La nature, patiente, reprend peu à peu le dessus, recouvrant ces traces humaines d'herbes, de mousses et de silence.
Derniers instants au Svalbard
Après une randonnée de deux heures sur la péninsule, nous avons regagné le bord de mer pour un dernier moment de contemplation.
Le paysage était toujours aussi saisissant : le silence, la lumière dorée, le souffle glacé du vent sur l'eau…
Pour les plus courageux, il était possible de faire trempette dans cette mer à peine au-dessus de 0 °C.
Autant dire que les volontaires n'étaient pas nombreux !
Seuls deux personnes téméraires ont osé s'élancer et faire quelques brasses dans cette eau polaire, sous la surveillance d'un accompagnateur sur son Zodiac et sous les applaudissements amusés des spectateurs frigorifiés restés sur la grève.
Quant à moi, disons que si l'eau ne dépasse pas 27 °C, vous ne me verrez jamais y mettre ne serait-ce qu'un orteil ! 😄
Ce soir-là, sur le pont de l’Ortelius, chacun contemplait en silence le soleil de minuit glissant sur l'horizon, conscients que c'était notre dernière nuit dans le royaume des glaces.
Les vacances touchaient à leur fin, mais les souvenirs, eux, resteraient à jamais gravés dans nos mémoires.
Le lendemain matin, nous accostions de nouveau au port de Longyearbyen.
L'avion pour Oslo était prévu en début d'après-midi, ce qui nous laissa le temps de flâner une dernière fois dans cette petite ville du bout du monde, la plus septentrionale de la planète.
Sous ce ciel clair et froid, un sentiment d'apaisement nous enveloppait.
Nous quittions le Svalbard le cœur plein d'images, de silence et de lumière, conscients d'avoir approché, l'espace de quelques jours, la beauté la plus pure et la plus fragile de la Terre.
Destination coup de cœur
Conclusion :
Ce voyage a été une expérience véritablement unique, une aventure qui nous a menés aux confins de ll'Europe du Nord, sur ces terres d'explorations, de silence et dd'ours polaires.
Autrefois réservées aux trappeurs et aux chasseurs de baleines, ces contrées extrêmes s'ouvrent aujourd’hui à quelques voyageurs privilégiés.
L'archipel du Svalbard est un monde à part : fascinant, envoûtant, d'une beauté brute et sauvage.
Loin du tourisme de masse, nous avons eu la chance d'y découvrir des paysages grandioses, façonnés par la glace, le vent et le temps.
La véritable beauté du Svalbard se révèle au cœur des fjords et des glaciers, dans ces régions reculées et inhabitées où la nature règne en maître.
C'est une aventure exceptionnelle, un voyage au royaume des ours polaires.
Observer ces géants blancs dans leur habitat naturel fut un moment d'émotion pure, un privilège rare.
Naviguer sur la banquise, ce rêve d'enfant, est devenu une réalité inoubliable — une expérience gravée à jamais dans ma mémoire.
Et puis, il y a cette lumière magique du soleil de minuit, qui transforme chaque paysage en tableau vivant.
Sa clarté dorée, presque irréelle, éclaire la nuit polaire d'une beauté apaisante et hypnotique.
Après avoir contemplé la splendeur fragile de l'Arctique, on revient différent.
Conscients de la précarité de ces écosystèmes, il devient impossible de rester indifférent.
On ressent presque un devoir : celui de devenir, à notre échelle, des ambassadeurs de ces territoires polaires, des défenseurs silencieux de leur préservation.
Mon prochain rêve de voyage ?
Pourquoi pas le pôle Sud...
Après tout, on peut toujours rêver ! 🙂
Carte de notre périple
© Textes et photographies : Stéphane Campagne/All rights reserved.
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